Un rapport récent du Club des Juristes met en lumière la problématique de la responsabilité des arbitres, notamment civile et pénale, envisagée comme un antidote au poison du soupçon qui mine cette institution, et dont « l’affaire Tapie » est emblématique.
La justice arbitrale, plus encore que la justice étatique, ne peut durablement fonctionner sans la confiance de ceux qui y recourent qui nécessite le respect du postulat selon lequel l’arbitre, comme le juge, ne peut remplir sa mission que s’il jouit d’une liberté totale dans sa prise de décision, sans pour autant, bénéficier d’une irresponsabilité totale qui aurait un caractère anticonstitutionnel.
Ainsi, pour ne parler que de la responsabilité civile, l’arbitre se voit-il reconnaître une immunité à raison de sa mission juridictionnelle, qui implique sérénité et indépendance d’esprit ; l’arbitre, comme le juge, ne peut, en principe, voir sa responsabilité engagée pour ce qu’il a jugé. En revanche il demeure responsable de sa « faute personnelle équipollente au dol ou constitutive d’une fraude, d’une faute lourde ou d’un déni de justice » selon la formule, utilisée par la Cour de cassation et qui n’est que la reprise du texte applicable aux Magistrats de l’Ordre judiciaire. Ce n’est donc que dans des hypothèses exceptionnelles dans lesquelles l’arbitre méconnait de façon flagrante, grossière, ses devoirs de juge, que sa responsabilité civile pourra être recherchée.
Faut-il distinguer, comme le suggère le rapport, ce qui relève de la décision juridictionnelle stricto sensu, de la manière dont la décision a été prise ? Cette distinction ne risque t’elle pas de fragiliser l’arbitre en créant une faille dans la protection juridictionnelle ? Quid par exemple de la violation du principe du contradictoire qui garantit le procès équitable et dont l’observance est consubstantielle à l’office du juge et étroitement liée au contenu de la décision ?
Mais l’arbitre n’est pas un juge comme un autre : en raison de son lien de nature contractuelle avec les parties, sa responsabilité civile contractuelle peut être recherchée. Si la distinction entre la mission juridictionnelle de l’arbitre, protégée, et sa mission contractuelle soumise au droit commun est justifiée, en cas de doute sur la nature de l’acte mettant en cause les arbitres, c’est le caractère juridictionnel qui devrait l’emporter tant sa protection est essentielle à l’acte de juger ; et si sur le terrain contractuel la responsabilité de droit commun s’applique, ce devrait être sans que l’on puisse, comme l’a fait un arrêt de la Cour d’appel de Paris de 2015, considérer que les arbitres sont solidairement responsables du préjudice réparable alors pourtant que la responsabilité civile de chacun découle de contrats d’arbitre distincts.
Il est à redouter que la jurisprudence ne finisse par fragiliser l’arbitrage français qu’elle avait si bien contribué à promouvoir.