Petite réflexion juridique, sur une conséquence inattendue du retrait des États-Unis de l’Accord de Paris. Trump
Michael Bloomberg, l’ancien maire de la ville de New York, vient d’annoncer à l’Elysée, aux côtés d’Emmanuel Macron, que les villes, les États fédérés, les entreprises et les citoyens américains « satisferont » les engagements des États-Unis sur le climat, en dépit du renoncement de Washington.
Le fait de voir des acteurs non-étatiques annoncer haut et fort que, contrairement à l’Etat dont ils relèvent, ils respecteront l’Accord de Paris – c’est-à-dire un traité international – est proprement extraordinaire!
Il faut se souvenir de la vieille conception du droit international, qui date du 19e siècle : un droit fait par les Etats, pour les Etats… Conception fondée sur le principe de souveraineté – celui-là même que Donald Trump a invoqué dans sa déclaration pour justifier le retrait des Etats-Unis… Théoriquement, les individus, les entreprises ou les gouvernements locaux n’ont aucune place en droit international : ils ne sont pas sujets de droit.
En réalité, depuis plusieurs années déjà, on observe la montée en puissance de la « société civile » sur la scène internationale. Ce phénomène est particulièrement visible dans le domaine de l’environnement. La mobilisation des acteurs non-étatiques est une condition de réussite de la lutte contre le climat. C’est ainsi qu’un portail internet est spécialement dédié au recensement de leurs actions : le site « NAZCA » pour « Non-state Actor Zone for Climate Action ». De même, la décision de la COP 21 comporte un point V, consacré aux « Entités non parties », qui se félicite des efforts de « la société civile, du secteur privé, des institutions financières, des villes et des autres autorités infranationales » pour répondre aux changements climatiques.
La mobilisation des entreprises et villes américaines, en réaction à la décision de Donald Trump, constitue l’aboutissement ultime de cette évolution.
A cet égard, on pourrait voir ce « paradoxe de Trump » comme marquant un tournant dans l’histoire du droit international. L’année 2017 pourrait bien rester comme celle de l’irruption des acteurs non-étatiques dans le champ des traités internationaux : pour la première fois, ces acteurs vont jusqu’à se substituer à un Etat défaillant en vue de respecter un traité.
Cela ouvre des perspectives passionnantes pour les évolutions futures du droit international et du principe de souveraineté.
Ce sujet pourrait d’ailleurs être évoqué le 24 juin prochain dans le Grand Amphi de la Sorbonne, en présence de hautes personnalités tels que Ban Ki-moon ou Arnold Schwarzenegger. Se tiendra en effet un événement international, ouvert à tous, de lancement du projet de Pacte mondial pour l’environnement, porté par le président Laurent Fabius et préparé par la Commission Environnement du Club des juristes, qui anime à cette fin un réseau international de 150 experts. Ce texte pourrait être l’occasion de reconnaître formellement, en droit international, les responsabilités des entreprises et des collectivités locales dans la protection de l’environnement et le développement durable.