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CETA : le retour du juge étatique

L’Accord économique et commercial global (AECG ou CETA en anglais) signé le 30 octobre dernier entre l’Union Européenne et le Canada prévoit le règlement des différends entre investisseurs et Etats (RDIE) par un Tribunal permanent composé de quinze membres nommés par le Canada et l’UE. Le Tribunal statuera à charge de recours devant un organe d’appel constitué selon le même principe. La procédure suivra le règlement d’arbitrage du CIRDI ou celui de la CNUDCI et aboutira à une décision qualifiée de sentence arbitrale et susceptible d’exécution forcée dans les conditions habituelles.

Pour justifier cette création hybride – un tribunal arbitral mais étatique et permanent – on avance des motifs d’éthique, d’indépendance, de transparence et de disponibilité. Nul ne disconvient que toute juridiction y est tenue.

Ethique et indépendance sont au premier rang des préoccupations du monde de l’arbitrage international. Les institutions arbitrales ont mis en place des règles strictes. L’IBA a édicté des principes directeurs sur les conflits d’intérêts qui font référence et auxquels se réfère expressément l’AECG. La réalité est que les critères et règles relatives à l’éthique et l’indépendance sont issues du droit de l’arbitrage international où les arbitres sont soumis à un contrôle des causes possibles de récusation et d’annulation très largement supérieur à celui en vigueur devant les juridictions nationales. Et la transparence est tout simplement la norme en arbitrage d’investissement où tous les actes du procès et les audiences sont publics.

La disponibilité des arbitres est un besoin légitime et indispensable, dont l’absence peut être cause de délais inacceptables pour la rédaction de sentences. Elle fait l’objet d’une grande vigilance de la part des centres d’arbitrage, même si l’on regrette parfois de trop longs délais. Il est à l’avantage de la juridiction permanente d’assurer la disponibilité de ses membres par le versement d’une rétribution forfaitaire mensuelle, en sus des honoraires perçus pour chaque dossier. Mais la permanence a ici un prix caché : la pensée unique.

Une des qualités essentielles d’une bonne juridiction arbitrale internationale est la diversité de ses membres. La diversité ne tient pas à la seule nationalité. Il est problématique que la composition du Tribunal AECG soit l’apanage des seuls Etats. En privant les investisseurs de la possibilité de contribuer à la nomination des membres du Tribunal, on risque d’aboutir à une juridiction dépourvue de représentativité à l’égard de la communauté d’affaires internationale. Les critères de nomination, en interdisant aux membres d’exercer le conseil ou de déposer comme experts en droit international de l’investissement, n’attireront pas les meilleurs praticiens. Les juges nommés comprendront-ils le monde de l’entreprise ? Et l’appréciation des préjudices économiques ?

Il reste à démontrer que le droit international de l’investissement gagnera au retour du juge étatique et ne sera pas appauvri par une politisation de la fonction. A défaut, c’est la place du droit dans la gestion du risque pays qui y perdra.

Elie Kleiman

Elie Kleiman

Avocat à la Cour, Jones Day
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