Après une enquête publiée jeudi dernier par des journalistes suisses sur la foi de photos partagées par son épouse sur Instagram, Johnny Halliday a été sommé de « clarifier sa situation au regard des impôts français » (député PS Yann Galut): « le couple ne passe que très peu de temps dans son chalet suisse de Gstaad, sa résidence principale et domiciliation fiscale ». Mais le chanteur estime que « Ces journalistes sont des imbéciles je suis résident US, et pas résident suisse ».
France, Suisse, Etats-Unis, mais de quel pays Johnny est-il le résident fiscal? Pour échapper à l’impôt français, suffit-il, comme Monsieur Galut semble le penser, qu’une personne de nationalité française passe la majorité de son temps ailleurs qu’en France?
Les choses ne sont en réalité pas si simples, le droit français prévoit trois critères, dont l’un seulement suffit à valoir rattachement avec la France. Selon le Code général des impôts, une personne sera ainsi considérée comme ayant son domicile fiscal en France si elle y a son foyer (ou son lieu de séjour principal), si elle y exerce une activité professionnelle non accessoire ou encore si elle a en France le centre de ses intérêts économiques.
On le voit, le rattachement avec la France est donc loin de dépendre de la seule présence physique du contribuable dans le pays. Aussi, même les personnes qui n’habitent pas normalement en France seront considérées comme des résidents fiscaux français si elles y exercent leur activité professionnelle principale où en retirent la majeure partie de leurs revenus.
Dans la situation d’un contribuable présent dans différents États, la difficulté provient de ce que l’application simultanée du droit de chacun de ces États peut aboutir à ce qu’il soit considéré, par chacun d’eux, comme étant un de leur résident fiscal. Ainsi, une personne exerçant son activité professionnelle principale aux États-Unis mais dont la famille est demeurée en France sera vraisemblablement considéré par ces deux États comme un résident fiscal.
C’est tout l’objet des conventions fiscales que de traiter ces « conflits de résidence » entre États, de façon à éviter la double imposition qui en résulterait. Dans ces hypothèses, ces conventions, qui s’imposent aux États, fixent des critères successifs permettant d’attribuer à un seul d’entre eux seulement la résidence fiscale du contribuable. Les conventions s’intéressent, au premier chef, au lieu du foyer permanent d’habitation. A défaut pour ce premier critère d’être discriminant, il est ensuite généralement fait référence au centre des intérêts vitaux qui, s’il ne permet pas, à son tour, d’établir une ligne de partage entre les deux États renvoie au critère du lieu de séjour habituel puis, enfin, à celui de la nationalité.
Ainsi, une personne disposant de résidences, fussent-elles secondaires, dans plusieurs États mais ayant établi son foyer de façon pérenne et disposant de ses principales sources de revenus dans un seul État sera généralement considéré comme n’étant résident fiscal que de cet État. Et ce, à plus forte raison, s’il y passe – en temps cumulé – l’essentiel de son temps.
En toute hypothèse, le rattachement fiscal à un État n’empêche pas un contribuable de devoir payer l’impôt dans plusieurs États. En effet, les États soumettent généralement à l’impôt non seulement les revenus réalisés par les « résidents fiscaux », qui, on l’a compris, ne sont pas nécessairement des personnes qui y vivent, mais également, dans de nombreux cas, les revenus réalisés par des « non-résidents », lorsque ces revenus trouvent leur source dans ce pays. Par exemple, les revenus retirés par un résident fiscal américain ou suisse de la location d’un bien immobilier situé en France seront imposables dans ce dernier État. On peut également penser à la situation d’un artiste interprète résidant fiscalement aux États-Unis qui sera imposable en France au titre des revenus retirés de ses représentations sur le territoire français.
Quid, enfin, du bras de fer probatoire? Nul doute que des photos géolocalisées seront susceptibles de rejoindre les relevés de carte bancaire ou les billets de train parmi les éléments fréquemment utilisés par l’administration pour contrôler la résidence fiscale des contribuables, même s’il est douteux de penser qu’elles pourront véritablement peser sur l’analyse à mener à la lumière des critères, plus complexes, évoqués précédemment.
Tout ceci ne devrait pas ouvrir les portes du pénitencier fiscal.
Didier Martin, Avocat chez Bredin Prat et membre du Club des juristes