Au printemps 2013, les services de la DG Concurrence de la Commission ont en lancé une consultation sur l’opportunité d’inclure, dans le champ du contrôle préalable des concentrations, les prises de participation minoritaires. Or, ces opérations en sont pour l’instant exclues. En effet, à ce jour, seules les prises de contrôle exclusif ou conjoint d’une certaine envergure sont soumises à un contrôle préalable.
Alors pourquoi vouloir changer les règles du jeu? A l’inverse du système anglais, allemand ou autrichien, en l’absence de prise de contrôle, seuls deux voies sont ouvertes en droit européen : la prohibition des ententes ou l’abus de position dominante. Or, pour la première de ces voies, encore faut il démontrer un accord collusif (via un échange d’informations sensibles entre concurrents par exemple) ; quant à la seconde, elle présuppose l’existence d’une position dominante et la caractérisation d’un abus.
Certes la théorie économique enseigne que sur un marché, une prise de participation même minoritaire d’un acteur A dans un acteur B peut « désinciter » A à concurrencer fortement B dés lors qu’il perçoit une partie des profits de ce dernier. A pourrait ainsi profiter de sa connaissance de B pour maximiser ses profits en augmentant le prix de ses propres produits.
Pour autant, toutes les prises de participation minoritaires ne justifient pas une telle analyse. Il serait absurde d’organiser un tel contrôle préalable, surtout en période de crise où les entreprises privilégient les alliances souples peu consommatrices de capitaux. D’évidence, à supposer qu’il faille créer un nouveau contrôle, la raison commanderait alors de s’attacher seulement aux opérations ayant « prima facie » un effet sensible sur la concurrence, et pour autant que les entreprises aient la liberté de demander à la Commission son avis préalablement à l’opération.
Jacques-Philippe Gunther, Avocat à la Cour, Willkie Farr & Gallagher LLP, expert du Club des juristes