Corruption, blanchiment, évasion fiscale, contournement des sanctions internationales… Les autorités de régulation américaines traquent ces pratiques chez les entreprises transnationales qui, si elles sont avérées, peuvent entraîner des sanctions considérables : procès à rallonges, mises en causes personnelles, pénalités as-tronomiques et, plus grave encore, préjudice porté à la réputation de l’entreprise.
Devant ces menaces et la perspective de se voir interdire l’accès au marché américain, mieux vaut souvent coopérer en mettant en œuvre une nouvelle logique. L’entreprise suspectée doit alors renoncer à se défendre judiciairement, pratiquer elle-même des enquêtes internes poussées, s’acquitter d’amendes colossales et mettre en place des processus de compliance lourds et coûteux en bref : acheter la paix avec les autorités améri-caines. Cette justice sans la Justice n’a-t-elle pas le mérite de l’efficacité ? Ne préfigure-t-elle pas aussi un nouveau mode de régulation globale ? N’annonce-t-elle pas un nouveau régime d’obéissance mondialisée où l’on demande à chacun – sujet ou entreprise – de se faire le juge et le dénonciateur de lui-même ?
A propos des auteurs :
Antoine Garapon est magistrat et secrétaire général de l’Institut des hautes études sur la justice. Il est notamment l’auteur, chez Odile Jacob, de La Raison du moindre État. Le néolibéralisme et la justice (2010).
Pierre Servan-Schreiber est avocat aux barreaux de Paris et de New York. Il est spécialisé dans les dossiers stratégiques pour les groupes internationaux. Il est expert au Club des juristes.