Voici donc officiellement annoncée la réforme de notre droit des contrats ! Le tout récent projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit, présenté à la fin du mois de novembre par la garde des Sceaux, contient un article habilitant le gouvernement à modifier le vénérable Titre III du Livre III du Code civil, siège du droit commun des contrats. Véritable Arlésienne, sans cesse annoncée mais toujours reportée, la réforme de ce qui constitue le coeur de notre droit va donc avoir lieu. Les quelque 280 articles qui composent le fondement de nos contrats restaient quasi inchangés depuis 1804, comme s’ils pouvaient toujours résister à cette action du temps dont Portalis estimait qu’elle obligeait à se préserver « de la dangereuse ambition de vouloir tout régler et tout prévoir ». Fruit d’un style concis et abstrait, témoin d’une langue parfaite, ces articles avaient largement contribué au succès du Code Napoléon. Mais l’oeuvre avait vieilli. Assailli par un droit de la consommation pléthorique et totalitaire, concurrencé par des codes étrangers plus modernes, condamné, paraît-il, à être dépassé par des projets d’harmonisation du droit européen des contrats, notre droit des contrats appelait la cure de jouvence. Des commissions – sous l’égide de P. Catala ou plus récemment de F. Terré – comme la chancellerie elle-même avaient préparé différents avant-projets.
La réforme à venir est ambitieuse. Le Code sera complété sur des points essentiels, abandonnés, faute de disposition spécifique, aux lumières souvent changeantes de la jurisprudence. La phase de formation du contrat, l’information, la négociation et les avant-contrats (promesses de vente et pactes de préférence) auront ainsi leurs dispositions. L’innovation majeure tient à l’abandon de la fameuse – et fumeuse – théorie de la cause, dont un professeur disait justement à ses étudiants que, s’ils en avaient compris les ressorts, c’est qu’il l’avait mal enseignée. Le projet annonce aussi la reconnaissance de la théorie de l’imprévision, pour permettre l’adaptation du contrat aux changements imprévisibles de circonstances. Le Code devrait aussi consacrer la cession de dettes, souhaitée dans les relations d’affaires, abriter une ambitieuse rénovation du droit de la preuve ou encore permettre le contrôle des clauses abusives hors du droit de la consommation.
Dès lors, comment ne pas regretter que cette réforme, si essentielle, échappe au Parlement pour se faire par voie d’ordonnances ? A la chancellerie, on dit que c’est ça ou rien, tant on pense le Parlement incapable de réaliser une réforme homogène et cohérente. C’est dire ce qu’est devenue notre loi.